J'ai publié sur Orthodoxie.com la recension suivante:
Sur la trace de l’archange par François-Xavier Maigre, Bayard, 2012, 305 pages, 16 euros.
Il y a tout d’abord les nombreuses rencontres, prévues ou non, qui sont des moments, parfois inespérés, de joie profonde, de partage et même de communion. C’est une aventure humaine, c’est-à-dire d’humains qui rencontrent authentiquement d’autres humains et nouent de mystérieuses et vivifiantes synergies. Juste un exemple, le premier jour, un couple de retraités croise les pèlerins dans un sentier forestier. Étonnement. Questions. Au final, le promeneur confie : « Vous êtes admirables. J’espère que vous arriverez au bout de votre rêve. Vous penserez à nous, hein ? Vous rencontrer, ici, c’est comme un rayon de soleil ». Eloquent ! L’entreprise téméraire est devenue un témoignage qui réchauffe les cœurs ! Certes, il y a eu aussi quelques rencontres, bien plus rares, où l’incompréhension s’est manifestée, voire l’indifférence. Quelques nuages qui sont finalement bien peu de choses au regard de la formidable moisson.
Sur la trace de l’archange par François-Xavier Maigre, Bayard, 2012, 305 pages, 16 euros.
Le sous-titre de ce livre est
explicite : « 450 kilomètres à pied jusqu’au Mont-Saint-Michel ».
L’ouvrage relate l’odyssée pédestre d’une jeune famille catholique :
deux parents de moins de trente ans, François-Xavier et Pauline, avec
leurs deux jeunes enfants, Faustine et Martin, respectivement deux ans
et demi et sept mois ! De Versailles au Mont-Saint-Michel en 33 jours !
Une route incertaine malgré une préparation soigneuse ! Mais un chemin
plein de grâces !
Accompagnés par un âne, les membres de
la jeune famille Maigre se sont élancés avec l’audace de l’enthousiasme,
que d’aucuns qualifient de témérité, sinon de folie, sur un antique
chemin de pèlerinage aujourd’hui oublié, malgré les efforts de quelques
personnes. Eux qui étaient des jacquets (pour avoir parcouru un des
chemins vers Saint-Jacques-de-Compostelle) sont devenus des miquelots,
c’est-à-dire des pèlerins du Mont-Saint-Michel par cette étonnante
aventure.
C’est au VIIIe siècle que débute
l’histoire chrétienne de ce rocher que l’on commence à appeler
Mont-Saint-Michel-au-péril-de-la-Mer. Un texte du IXe siècle raconte que
l’évêque saint Aubert d’Avranches,
dans son sommeil, en 708, a reçu l’ordre de l’archange Michel de faire
édifier un oratoire sur ce lieu nommé jusqu’alors le Mont-Tombe. Cette
construction, à la demande de l’archange, devait être une réplique du
sanctuaire dédié à saint Michel au Mont-Gargan en Italie, lequel date du Ve
siècle. Le récit rapporte aussi que la dédicace de l’église a eu lieu le
16 octobre 709. Des vestiges de ce premier oratoire ont été retrouvés
accolés à la chapelle carolingienne (Xe siècle) Notre-Dame-sous-Terre. Le premier récit connu de miquelot, celui du moine Bernard, date de 867. Au IXe siècle donc, le Mont-Saint-Michel est déjà une destination
connue pour des pèlerins de plus en plus nombreux au cours du Moyen-âge
et après. La Révolution française, en transformant l’abbaye en prison,
jusqu’au Second empire, a porté un coup fatal aux pèlerinages, malgré
des initiatives au XIXe siècle, notamment après 1863. Aujourd’hui,
quelques personnes, notamment au sein de l’association Les chemins du Mont-Saint-Michel, tentent de promouvoir ces chemins, à l’image de ce qui a été fait pour Saint-Jacques-de-Compostelle.
C’est une rencontre inattendue, lors d’un reportage, avec la responsable de l’association Les chemins du Mont-Saint-Michel, qui a décidé François-Xavier Maigre, journaliste au quotidien La Croix,
notamment en charge de l’actualité de l’orthodoxie, à partir avec sa
toute jeune famille sur des chemins oubliés, y compris par ceux qui
vivent aux côtés de ceux-ci.
Il y a tout d’abord les nombreuses rencontres, prévues ou non, qui sont des moments, parfois inespérés, de joie profonde, de partage et même de communion. C’est une aventure humaine, c’est-à-dire d’humains qui rencontrent authentiquement d’autres humains et nouent de mystérieuses et vivifiantes synergies. Juste un exemple, le premier jour, un couple de retraités croise les pèlerins dans un sentier forestier. Étonnement. Questions. Au final, le promeneur confie : « Vous êtes admirables. J’espère que vous arriverez au bout de votre rêve. Vous penserez à nous, hein ? Vous rencontrer, ici, c’est comme un rayon de soleil ». Eloquent ! L’entreprise téméraire est devenue un témoignage qui réchauffe les cœurs ! Certes, il y a eu aussi quelques rencontres, bien plus rares, où l’incompréhension s’est manifestée, voire l’indifférence. Quelques nuages qui sont finalement bien peu de choses au regard de la formidable moisson.
Mais par-delà les anecdotes
pittoresques, les explications qui donnent une profondeur historique et
culturelle au récit, les réflexions pleines d’humour sur les réactions
des pèlerins face à diverses situations qui surgissent inopinément, le
livre nous ouvre sur un mode de vie autre, qui n’est pas dans l’air du
temps, mais qui s’avère riche d’enseignements profonds.
En effet, par différentes remarques,
l’auteur se rend compte d’une autre perception de l’espace. En tant que
géographe, je ne peux que relever avec intérêt certaines observations
comme celle-ci : « Quand un vieil homme moustachu vous lance : « Au
bout du pays, vous prendrez à gauche », inutile de pousser jusqu’à la
frontière espagnole, c’est du village où vous vous trouvez dont il est
question. (…) Au rythme des pays, les villages sont bien des pays et les
forêts des continents où l’on s’engouffre humblement, en se demandant
si l’on va pouvoir en sortir. » On est là dans la géographie des
représentations, mieux des perceptions, un vécu particulier de l’espace
bien moins éprouvé aujourd’hui qu’hier. Et cela fait toute la
différence. Une autre réalité s’ouvre, riche d’enseignements et de
signification pour l’âme. Dans la même veine, très révélatrice, sont les
impressions lors du retour en voiture : « Le plus déroutant, c’est
peut-être la célérité avec laquelle le paysage se dérobe à votre regard.
Pendant cinq longues semaines, vous avez fait corps avec le monde ; à
présent c’est comme s’il vous snobait. Le ciel avait fini par consentir à
votre présence ; il ne vous reconnaît plus. » Elle est là
l’expérience fondamentale qui en dit long sur notre société en proie au
virtuel, à la distance et aux fermetures qu’elle ignore, car elle ne les
perçoit pas. Cela nous renvoie, en tant que chrétien, à l’incarnation,
pierre de touche de la foi. L’Esprit se déploie et répand ses grâces
dans la matière et la chair et non dans le virtuel. « Ce que nous
avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux (…) et que nous mains
ont touché du Verbe de vie (…) nous vous l’annonçons (…) afin que vous
aussi vous soyez en communion avec nous. » annonce le disciple
bien-aimé du Seigneur, l’apôtre Jean dans sa première épître (1 et 3).
Dans cette humble matérialité se révèle la Lumière du monde. C’est là
l’expérience des pèlerins qui cheminent avec leurs pieds, dont les pas
et les personnes finissent par épouser le rythme naturel de la création
qui les environnent et avec qui ils finissent par faire corps. Le livre
en témoigne, quasiment à chaque page. Il rapporte une expérience
transformatrice, cela dans un style alerte et direct qui embarque de
suite, avec talent, le lecteur dans l’aventure.
En complément: un film tourné lors du pèlerinage est en préparation, la bande annonce est ici. Cette page Facebook est consacrée au pèlerinage et à ses suites. Des extraits du carnet de voyage sont proposés sur ce blog, d'où proviennent les deux photographies ci-dessus de la famille à l'arrivée au Mont-Saint-Michel et en cours de route - de Ouest-France. Cliquez sur les photographies pour les agrandir.