vendredi 30 septembre 2016

"Réfléchir sur son propre rapport à l'altérité" - une recension de "Prendre soin de l'autre - Une vision chrétienne de la communication"

La recension suivante, avec des extraits, de mon ouvrage Prendre soin de l'autre - Une vision chrétienne de la communication (Cerf, 2012), a été publiée sur un blog littéraire. Merci à son auteur pour l'autorisation de la reproduction de cette recension avec les extraits choisis ci-dessous .

"Prendre soin de l’autre, qu’est-ce que cela peut signifier, dans une société où on le considère de plus en plus comme un objet malléable à merci ? Avec une approche chrétienne de la communication, Christophe Levalois tente de répondre à cette question, à l’aide des Écritures et des écrits des Pères de l’Église, qui considèrent d’abord la « personne » – qui n’est pas l’individu – comme un être de communion. Elle se distingue non par ce qu’elle possède mais par ce qu’elle est, ontologiquement. En ce sens, prendre soin de l’autre revient à révéler la « personne » qui existe par essence en son for intérieur, en plénitude. L’auteur nous propose en outre une réflexion de qualité sur les dérives de nos sociétés modernes dites ultra « connectées », mais où la communication n’est qu’une façon comme une autre de consommer l’être, de le traverser sans le voir. Un ouvrage riche de promesses, pour qui se donne la peine de le lire et de réfléchir sur son propre rapport à l’altérité."


Extraits:
  • « Lucien Sfez a forgé le terme « tautisme » pour désigner ce mode de fonctionnement. Ce néologisme est une contraction d’ « autisme », d’enfermement sur soi, et de « tautologie », de répétition. Il qualifie le tautisme de « théologie totalitaire. » p.22
  • « Le parallèle établi entre le fonctionnement de la machine et celui du cerveau humain est révélateur d’une démarche qui opère, par là même, une assimilation de l’un à l’autre. Si l’on peut effectivement relever les comportements plus ou moins mécaniques chez l’être humain, on ne peut néanmoins le réduire à cela, loin de là. Mais la relation assimilatrice ainsi établie l’incite à se modeler selon cette conception et tend à l’y réduire. C’est là une mutilation très grave et un obstacle majeur à la vie spirituelle à laquelle cette démarche ne donne pas de place. » p. 29
  • « La tradition chrétienne nous enseigne que le chemin du salut s’ancre par l’incarnation, dont celle du Christ est le modèle, donc par la confrontation bien concrète avec un contexte et sa complexité dans un mystérieux accomplissement. »  p. 34
  • « Mais elle débouche aussi sur une « utopie de la communication », en l’occurrence, de manière en apparence paradoxale, sur une solitude réelle, notamment en étant réduite à son image. Cela se traduit aussi, par exemple, par un rapprochement du lointain – le correspondant – au détriment du prochain et du milieu dans lequel on vit qui, lui, de fait, devient plus opaque et avec lequel les relations se détériorent souvent. […] Cette déréalisation entraîne une pauvreté en termes de relations. Il est fait allusion, bien sûr, à la relation concrète avec le prochain, celui que l’on rencontre réellement et avec qui se tisse un échange qui n’est pas que verbal, mais aussi fait de gestes, de silences, de retenues, de patience. » p. 100
  • « La prodigieuse mutation concernant la vision de la personne repose sur une nouvelle perception des termes qui, jusqu’alors, la définissaient et la maintenaient dans une réalité très limitative. « Personne » correspondait au rôle social, et fut utilisé pour désigner un masque de théâtre, ou encore la face de quelqu’un (en grec) ; en somme, peu ou prou, la personne renvoyait à l’apparence. Les Pères lui ont donné une substance, une densité ontologique qui a complètement changé la donne. Désormais, selon cette nouvelle acception, la personne équivaut à l’être même. » p. 120
  • « La personne se construit et rayonne en conjuguant l’unité avec les autres personnes, avec la distinction qui la rend unique, et la polarité qui lui permet d’échanger et de s’enrichir intérieurement dans le même mouvement fondé sur la réciprocité. » p. 122
  • « Cet amour, qui est relation véritable, se traduit et se renforce par le don. » p. 131
  • « L’amour dans la communication, c’est la transmission en vue de la communion, dans le respect de la liberté de l’autre. C’est la forme la plus élevée et le modèle de toute communication. » p. 133
  • « Le désir d’un dialogue constructif, avec tact et prévention, doit guider toute communication. […] Pour cela, il est important de valoriser l’autre personne, de s’appuyer sur ses qualités et ainsi de l’amener par cette confiance, qui n’est en rien aveuglement, à manifester les richesses qu’elle porte, et dont elle ignore souvent la force et les possibilités, pour les offrir aux autres et au monde. » p. 140-141
  • « Une autolimitation est nécessaire pour ne pas transmettre des peurs, des angoisses, des sentiments hypertrophiés, ou encore des pulsions malsaines, à autrui. Prendre soin de l’autre veut dire aussi le protéger éventuellement de nous-même et lui offrir ce qu’il y a de mieux. Cela s’oppose à tout exhibitionnisme, à toute logorrhée, de mots, de sons, d’images, à tout débordement qui finit vite par l’étouffer. » p. 149