Ma chronique du 22 décembre dans l'émission Lumière de l'orthodoxie (textes et podcast), sur Radio Notre-Dame, abordait la question de la transformation intérieure dans un chemin spirituel chrétien à l’occasion de la parution récente d'un ouvrage passionnant.
Le temps de la Nativité, et plus
généralement la période hivernale, est tout particulièrement propice à
un regard porté sur soi-même en vue d’un renouvellement. Le livre du père Philippe Dautais, paru il y a peu, intitulé Si tu veux entrer dans la vie - Thérapie et croissance spirituelle, aux éditions Nouvelle Cité,
s’avère précieux à cet égard. Il approfondit la question de la
transformation de notre intériorité selon le projet voulu par Dieu pour
l’être humain. Celui-ci peut se résumer en disant- en reprenant les
versets 26 et 27 du chapitre 1 de la Genèse - qu’il s’agit de
passer de l’image à la ressemblance. Le père Philippe rappelle que « la
plupart des Pères de l’Église font la distinction entre l’image qui est
inscrite dans l’être humain et la ressemblance qui est à acquérir par
une coopération divino-humaine ». Cette démarche amène à affronter pour
les traverser, et s’en enrichir, les épreuves, obstacles et douleurs que
l’on rencontre dans l’existence et qui s’opposent à cette
transformation.
Cette question, qui rassemble foi,
tradition chrétienne, psychologie et tradition ascétique, a été
plusieurs fois traitée par des auteurs orthodoxes contemporains. Je
pense notamment à Jean-Claude Larchet, avec ses ouvrages
sur la thérapeutique et la théologie de la maladie, la souffrance,
l’inconscient spirituel, etc., mais aussi au livre d’un évêque grec, Mgr
Hiérothéos (Vlachos), métropolite de Nafpaktos, nommé Psychothérapie orthodoxe, dont l’édition française est aujourd’hui épuisée.
Le livre du père Philippe Dautais offre
une remarquable synthèse sur ces questions, accessible à tous. Elle est
le fruit, d’une part, de son expérience pastorale, il est prêtre
orthodoxe au sein de la Métropole roumaine, mais aussi des nombreuses
sessions, retraites et conférences qu’il a organisé et donné, notamment
au Centre Sainte-Croix, en Dordogne, qu’il a fondé et dirige avec son épouse.
Son enseignement s’appuie sur les
Écritures, la tradition des Pères de l’Église et la tradition ascétique
orthodoxe, qui s’exprime notamment dans la Philocalie.
Son livre commence par poser la base :
qu’est-ce que l’homme ? Car finalement, tout découle de la façon dont
nous voyons l’être humain, nous-même et l’autre, mais aussi et d’abord,
de la façon dont Dieu voit l’être humain, ce que nous rapportent les
Écritures. A cet égard, le père Philippe sait mettre en valeur et
expliquer des passages particulièrement signifiants des Écritures. Il
met ainsi remarquablement en lumière que la limite posée par Dieu au
commencement, l’interdit de manger du fruit de l’arbre de la
connaissance du bien et du mal, est une invitation à la croissance. Il
explique notamment : « Par la confrontation aux limites, nous sommes
renvoyés à la nécessité d’aller chercher de nouvelles ressources dans
nos profondeurs. Les limites deviennent des possibilités de
croissance. »
Les chapitres qui suivent évoquent les
blessures de l’être et les voies de guérison en s’attachant notamment
aux enseignements et illustrations du Christ. Cela permet, selon la
belle expression qui sert de titre à une partie, de « changer nos
blessures en perles ».
Le dernier chapitre aborde la grande,
difficile et souvent douloureuse question du pardon, véritable clef de
la transformation, la métanoïa des Pères, à la fois conversion
intérieure et retournement. Il rappelle que le pardon n’est pas l’oubli,
lequel n’évacue pas le mal, mais tente de le masquer sans pouvoir
supprimer sa capacité de nuisance. Il souligne que le pardon se fonde
sur la prière et suppose la conversion intérieure, nous pouvons ajouter
que le pardon est aussi un très puissant moteur de cette conversion
intérieure.
Un livre très utile donc, en mesure
d’aider de nombreuses personnes à y voir plus clair dans leur existence
et à s’ouvrir davantage à l’action de l’Esprit qui renouvelle toute vie
la faisant aller, selon l’expression de Grégoire de Nysse, dans ses Homélies sur le Cantique des cantiques (8e homélie), « de commencement en commencement, vers des commencements qui n’ont pas de fin ».