Ma chronique du 19 janvier dans l'émission Lumière de l'orthodoxie (textes et podcast), sur Radio Notre-Dame, partant d'un discours récent du patriarche de Géorgie, abordait la question des confrontations de différentes sociétés à l'échelle mondiale et plus particulièrement de la société occidentale avec des sociétés non-occidentales. En voici le texte:
Dernièrement, le patriarche de Géorgie Elie II, dans son message pour la fête de la Nativité,
a demandé à l’Union européenne de prendre en compte l’aspiration de son
pays à préserver ses valeurs traditionnelles. Il a souligné que l’Union
européenne ne doit pas essayer d’implanter des idéaux étrangers à la
Géorgie comme le mariage de personnes de même sexe. Ce n’est pas la
première fois qu’il évoque cette question et fait cette demande. Pour
comprendre la portée de son propos, son poids et sa représentativité, il
faut savoir que, selon les sondages, le patriarche Elie de Géorgie est
la personne la plus populaire du pays.
Cette question ne concerne pas seulement
la Géorgie et pas seulement la question du mariage de personnes de même
sexe. Dans de nombreux pays d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique,
des voix s’élèvent, des masses protestent avec vigueur, contre un modèle
de société, à la fois libéral, occidental et consumériste, qui est
imposé à ces pays en dépit de la protestation du plus grand nombre. Sans
doute faut-il employer le terme de néo-colonialisme, mais à la
différence des colonialismes d’antan, il ne se fait pas au nom d’une
nation, mais d’un type de société et d’intérêts trans-nationaux.
Le patriarche Elie II a simplement
demandé que l’on respecte ce que pensent les Géorgiens. Il a ajouté que
ce respect permettrait d’approfondir l’attachement de son pays à
l’Europe.
L’Église orthodoxe des pays concernés
fait souvent entendre sa voix sur ce sujet. Il est regrettable que de
nombreux médias occidentaux n’en retiennent que des extraits de
déclarations mises en avant pour susciter la polémique, parfois de
personnes non représentatives, au lieu de développer une analyse plus
approfondie, au lieu d’essayer de comprendre l’autre avec son histoire,
son contexte, ses rêves et ses peurs pour mieux dialoguer et avancer
avec lui.
Un bon nombre de ces pays ont connu au
XXe siècle, la dévastation du totalitarisme communiste. L’Église est
souvent la seule institution historique à avoir résisté à cette longue
tourmente, malgré les terribles coups portés. Ce n’est pas pour
démissionner maintenant face à un nouveau pouvoir qui tente d’imposer
ses vues. Les promesses de lendemains qui chantent accompagnés de
toutes sortes de destructions, ces peuples les connaissent et ont payé
un prix colossalement élevé pour cela.
Alors que ces pays se reconstruisent, et
seraient en droit d’attendre une aide internationale, fruit d’une
solidarité désintéressée, ils sont obligés de se défendre contre des
entreprises de main mise.
C’est d’autant plus regrettable que ces
peuples ont par ailleurs une bonne, voire très bonne, opinion des pays
d’Europe occidentale. Au lieu de travailler avec eux et de construire
des relations de confiance, fructueuses pour tous et offrant un
magnifique témoignage au monde, il semblerait que les démons du pouvoir
et de la domination président toujours aux relations.
Pourtant que de richesses pourrait-on
retirer de véritables échanges, dans le respect mutuel, par delà les
différences. Finalement, on se prend à penser que malgré les discours et
le changement de la façade, nous agissons en ce début de XXIe siècle
presque pareillement qu’à la fin du XIXe siècle, en pleine vague de
colonisation qui s’habillait, pour légitimer sa domination, de la
prétention de diffuser la civilisation par excellence.
Une autre terrible question se pose
alors : se peut-il que les deux guerres mondiales, la guerre froide, les
différentes guerres et malheurs du XXe siècle, les totalitarismes au
coût humain effrayant, les génocides, ne nous aient rien appris à nous
êtres humains du XXIe siècle ?