Ma chronique du 12 janvier dans l'émission Lumière de l'orthodoxie (textes et podcast), sur Radio Notre-Dame, avait pour sujet les relations œcuméniques et l'unité des chrétiens. Voici le texte.
Du 18 au 25 janvier aura lieu la semaine
de prière pour l’unité des chrétiens. Cette année le thème est une
question extraite de la première épitre aux Corinthiens (1Co 1, 13):
« Le Christ est-il divisé ? ». Il s’agit de ce fameux passage où
l’apôtre Paul constate des discordes parmi la communauté chrétienne de
Corinthe, certains se réclamant de Paul, d’autres d’Apollos, d’autres de
Céphas, c’est-à-dire de Pierre. Déjà ! Est-on tenté de dire… Nouvelle
illustration de l’actualité toujours étonnante du Nouveau Testament.
Bien entendu, de nombreux orthodoxes se
mobilisent pour participer à cette semaine. C’est l’occasion pour nous
de dire ici quelques mots sur les relations œcuméniques, notamment entre
orthodoxes et catholiques, d’autant plus que nous fêterons cette année
le cinquantenaire de la rencontre du patriarche Athénagoras et du pape
Paul VI à Jérusalem, première rencontre depuis plus de cinq siècles du
pape et du patriarche de Constantinople et début de relations au plus
haut niveau entre le siège romain et celui de Constantinople.
Cette rencontre et celles qui ont suivi,
ainsi que la levée des sentences d’excommunication de 1054, en 1965,
ont suscité un immense espoir et certains ont cru à une réconciliation
complète proche, c’est-à-dire à l’union des Églises. Mais les années
sont passées et l’union envisagée s’avère une ligne d’horizon bien
lointaine.
Aujourd’hui, on peut considérer que les
niveaux et les lieux du dialogue œcuménique se sont multipliés et
diversifiés. Le dialogue théologique a progressé. L’histoire des Églises
a été clarifiée. Les théologiens échangent souvent. L’autre est mieux
connu, voire très bien par des spécialistes. Mais, il faut bien le
reconnaître, la fin du dialogue théologique n’est pas pour demain.
Constatant cette situation, le
métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du département des
relations extérieures du Patriarcat de Moscou, préconise une synergie
avec l’Église catholique sur les questions de société pour lesquelles
les convergences sont notables. Cette démarche progresse aujourd’hui par
le biais d’initiatives communes. Cela permet aux uns et aux autres de
mieux se connaître, de s’écouter, de s’apprécier et de travailler
ensemble.
Ce rapprochement humain est finalement
fondamental. C’est la connaissance concrète de l’autre qui permet de
nouer des relations solides et authentiques. Si l’on observe l’histoire,
c’est l’éloignement qui a engendré les divisions. Des évènements
historiques ont modifié les relations entre des sociétés qui avec le
temps ont vécu avec des préoccupations différentes, des adversités et
des blessures différentes, des rêves et des espoirs différents, une
évolution culturelle différente, et à terme ne se sont plus écoutées et
ne se sont plus comprises. Elles sont devenues étrangères l’une à
l’autre. C’est le cas du monde latin et du monde grec, qui étaient
quasiment en osmose lors de l’Empire romain, avec une circulation
intense entre les rives occidentales et orientales de la Méditerranée,
dont a profité le christianisme naissant. Au Moyen-âge, on observe un
éloignement constant malgré des tentatives pour revivifier le dialogue.
La chute de Constantinople en 1453 entraine la fin des relations qui se
poursuivaient vaille que vaille malgré l’incompréhension croissante.
Au XXe siècle, les sociétés se sont à
nouveau rapprochées. L’autre n’est plus l’étranger d’un pays lointain
mystérieux, mais un voisin avec qui l’on vit. En outre, dans de nombreux
pays, les chrétiens de différentes confessions sont pareillement
victimes de discriminations et de persécutions. Cela change complètement
la perspective. Et nous rend optimiste pour les relations œcuméniques.
Mais il y a le poids de l’histoire qu’il ne faut pas négliger. Il
façonne les mentalités, les représentations, les modes de vie, l’âme des
peuples, même si il est chaque jour plus vrai que nous vivons à une
époque où malheureusement l’amnésie collective fait des ravages avec, en
contrepartie, la recherche parfois exacerbée, individuelle et
collective, de l’identité.
Sans doute faudra-t-il imaginer de
nouvelles voies pour aller vers l’unité, en reconnaissant et en
acceptant les différences, la diversité, par-delà les éléments
fondamentaux que donne le credo. C’est cette diversité qu’aborde aussi
l’apôtre Paul dans la première épitre aux Corinthiens, au chapitre XII,
lorsqu’il prolonge sa réflexion en évoquant la diversité des membres de
l’Église et l’unité du corps.
Cette aventure n’est donc pas terminée,
loin de là. Mais elle interpelle, à chaque pas, par la confrontation à
l’autre qui lui aussi est chrétien, l’authenticité de notre foi, sa
nature et sa réalité concrète.